Automobile
Le tour de passe-passe industriel qui consistait à monter en Europe un kit de voiture chinoise aura été déjoué par les règlements européens et français.
Jacques Chevalier du Le Point
Une petite voiture électrique arrivée de Chine en pièces détachées et devenue européenne par le seul assemblage.
Avocat déterminé des constructeurs européens face à la déferlante redoutée des productions automobiles chinoises, Carlos Tavares l’ex-président de PSA devenu depuis Stellantis, a tout à coup diamétralement changé de discours. Défendant contre toute attente le principe d’une concurrence ouverte, le jeu de Carlos Tavares est apparu plus clair lorsque fut annoncée l’entrée au capital du petit constructeur Leapmotor. Il a alors élaboré le contournement des règlements européens en projetant le montage en Pologne, dans l’usine tournevis de Tichy, de la petite T03.
Une petite voiture électrique arrivée de Chine en pièces détachées et devenue européenne par le seul assemblage. Proposée brièvement au tarif le plus bas pour une voiture électrique de 14 990 euros, la T03 cherchait ainsi à conserver le bénéfice entier du bonus écologique. Mais l’Europe et la France ont, pour une fois, réagi, aimablement informés par la presse et la concurrence de Stellantis qui ont dénoncé ce cheval de Troie.
Halte au tournevis
Il était donc urgent de faire un exemple avant que d’autres constructeurs ne s’engouffrent dans la brèche. Le remède a été aussi finement élaboré que le tour de passe-passe de Stellantis a été monté, il est vrai héritier de cette stratégie fumeuse de Tavares. Celui-ci a été débarqué quelques semaines avant que le règlement du bonus écologique ne soit retouché en janvier 2025 par l’administration française. Dans un arrêté, elle a modifié les bénéficiaires de l’aide, non plus pour les véhicules éligibles sortis d’un « site d’assemblage » mais d’un « site de fabrication », ce qui exclut de fait toutes les usines tournevis du continent.
Après avoir assemblé 600 ou 700 T03 en Pologne, la pratique a cessé faute d’intérêt et la petite Leapmotor a réintégré le circuit d’importation habituel en venant, par bateau, depuis son usine de Jinhua dans le centre-est de la Chine. À ce titre, elle doit supporter des droits de douane européens de 21 %, mais Stellantis fanfaronne en assurant qu’ils sont encore inférieurs au surcoût de l’assemblage en Pologne. Elle est aujourd’hui affichée à 17 900 euros ou, après un premier versement de 3 000 euros, une mensualité de 79 euros depuis la relance du modèle à l’automne dernier.
Une chose est sûre, et c’est la morale de l’histoire, la marge que dégage Stellantis sur la vente de chacune de ces T03 dot être insignifiante au regard des frais de distribution qu’une nouvelle marque implique. Stellantis planche actuellement, et c’est une forme d’aveu, sur la fabrication intégrée en Europe, peut-être en Espagne, du SUV de milieu de gamme B10 alors que le grand C10 viendra encore de Chine.