Natalité en berne, risque de déclin… Voici le portrait démographique de la France
DÉCRYPTAGE. Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, l’indicateur conjoncturel de fécondité, soit le nombre d’enfants qu’a une femme dans sa vie, n’a jamais été aussi bas en France.
Nathan Tacchi du Le Point

Jamais le nombre de naissances n’a été aussi bas dans notre pays depuis la Seconde Guerre mondiale. En 2024, 663 000 bébés sont nés en France, apprend-on ce jour dans le nouveau bilan démographique de l’Insee. Ce chiffre est en baisse (- 2,2 %) par rapport à 2023, tandis que 646 000 personnes sont décédées en France en 2024, soit + 1,1 % par rapport à 2023. Ainsi, le solde naturel de la France – la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès – est « particulièrement bas cette année » estime Sylvie Le Minez, cheffe de l’unité des études démographiques et sociales de l’Insee, qui s’établit à seulement + 17 000. Une situation préoccupante, les courbes de la natalité et de la mortalité se rapprochant encore plus.
Au global, en 2024, la France compte 68,6 millions d’habitants, soit 0,25 % de plus qu’en 2023, ce qui en fait le deuxième pays le plus peuplé de l’Union européenne, derrière l’Allemagne.
« Cette baisse des naissances est due au recul de la fécondité »
Selon l’Insee, le nombre de naissances est inférieur de 21,5 % à 2010, année du dernier pic des naissances. Certes, la baisse de 2,2 % est inférieure à celle de 2023 (- 6,6 %), « mais elle reste plus forte que celle observée en moyenne chaque année entre 2010 et 2022 (‑ 1,3 %) », selon l’Insee. Comment expliquer cette baisse ? L’Insee est formel : le nombre de femmes en âge de procréer étant stable depuis 2016, « cette baisse des naissances est due au recul de la fécondité », déclare Sylvie Le Minez lors d’un point presse ce 14 janvier. Les raisons de la baisse de la fécondité sont quant à elles multifactorielles : nouvelles aspirations personnelles, professionnelles, manque d’espoir en l’avenir…
Ainsi, en 2024, l’indicateur conjoncturel de fécondité continue sa décroissance et atteint 1,62 enfant par femme, contre 1,66 en 2023 et 2,02 en 2010. « Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, cet indicateur n’a jamais été aussi bas », précise l’Insee. De fait, il s’élevait à 1,59 en 1919 et à 1,23 en 1916.
Le taux de fécondité des moins de 40 ans diminue
Le taux de fécondité « recule le plus chez les femmes les plus fécondes », note la spécialiste. De fait, chez les femmes de 30 à 34 ans, « leur taux de fécondité en 2024 s’établit à 11,1 enfants pour 100 femmes de cette tranche d’âge, contre 12 vingt ans plus tôt ». Chez les 25 à 29 ans, il est 8,8 contre 12,9 en 2004 et globalement le taux de fécondité avant 40 ans continue de diminuer. Cependant, on note que le taux de fécondité des plus de 40 ans se redresse légèrement, passant de 0,9 à 1. En outre, l’âge conjoncturel moyen à l’accouchement continue de croître, et s’élève à 31,1 ans, contre 29,5 ans vingt ans plus tôt.
Du côté de la mortalité, sans surprise pour l’Insee, la hausse constatée est liée à l’arrivée des générations « baby-boom » à des âges de forte mortalité. « En 2024, comme en 2023, la mortalité retrouve des niveaux attendus », déclare ainsi Sylvie Le Minez. De fait, l’année 2024 n’a pas été frappée par des facteurs spécifiques de surmortalité : épidémie de grippe d’une durée classique, des vagues de fortes chaleurs moins nombreuses qu’en 2023… « La hausse de la mortalité en 2024 s’explique ainsi par le vieillissement de la population », explique l’Insee.
À LIRE AUSSI La Commission européenne s’alarme du vieillissement de l’Union « Et c’est certain, le nombre de décès va continuer à augmenter », ajoute la spécialiste. Loin d’être un point de détail de l’étude, en 2024, le taux de mortalité infantile est de 4,1 décès pour 1 000 naissances « vivantes », en augmentation depuis 2021 (3,7 ‰).
Un solde naturel bientôt négatif ?
Ainsi, selon les projections de l’Insee, dans un futur proche, le nombre de décès devrait dépasser la barre des 800 000 morts par an. « Si le niveau de naissance continue à se situer en dessous de 700 000, à un moment donné, le solde naturel de la France va devenir négatif. Selon nos projections, avec l’hypothèse d’une fécondité de 1,8 enfant par femme et avec le prolongement des tendances observées en matière de mortalité, l’Insee table sur un solde naturel négatif au milieu des années 2030. Et avec un indicateur conjoncturel de fécondité à 1,6 enfant par femme, ce serait en 2027 », détaille Sylvie Le Minez.À LIRE AUSSI La démographie européenne sauvée par l’immigration
Le solde naturel est en baisse régulière depuis 2007. Il avait chuté en 2020, en raison de la pandémie de Covid-19, avant de connaître un léger rebond en 2021, avant de s’effondrer. De son côté, le solde migratoire (la différence entre le nombre de personnes qui sont entrées sur le territoire et le nombre de personnes qui en sont sorties) est estimé provisoirement à + 152 000 personnes pour 2024.
Une espérance de vie à un niveau historique
Les Français faisant moins d’enfants, la population vieillit : en France, 21,8 % des habitants ont au moins 65 ans, contre 16,3 % en 2005. C’est légèrement au-dessus de la moyenne européenne (21,3 %). « Cette part augmente depuis plus de trente ans », pointe l’Insee, avec une accélération depuis le milieu des années 2010, de fait de l’arrivée à ces âges des générations du baby-boom. De surcroît, « les personnes âgées d’au moins 75 ans représentent désormais 10,7 % de la population, contre 8,0 % en 2005 ». À l’inverse, au 1er janvier 2025, 16,7 % de la population en France est âgée de moins de 15 ans.
En 2024, comme l’écrit l’Insee, l’espérance de vie à la naissance s’élève à 85,6 ans pour les femmes et à 80 ans pour les hommes. « Elle se stabilise donc à un niveau historiquement élevé », commente l’Insee. Ainsi, l’écart d’espérance de vie à la naissance entre les deux sexes diminue encore : il est de 5,6 ans en 2024, contre 7,1 ans en 2004. Ce phénomène de réduction de l’écart entre les sexes date du milieu des années 1990.