June 9, 2025

Maghreb : des exportateurs en mission pour séduire un pays arabe

La Nouvelle Tribune

Gildas Amoussou

L’Égypte, pivot géographique entre l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie, exerce depuis longtemps une attraction stratégique sur les investisseurs. Avec une population de plus de 100 millions d’habitants et une économie en mutation constante, le pays s’est imposé comme une porte d’entrée vers de nouveaux marchés et un acteur central dans les échanges régionaux. Les réformes économiques engagées au cours des dernières années, le développement de zones industrielles comme celle du Canal de Suez, et les partenariats multilatéraux qu’elle tisse, ont renforcé son image de place forte pour le commerce, attirant industriels, logisticiens et prestataires de services à la recherche d’opportunités tangibles dans un environnement en croissance.

Une offensive commerciale marocaine à fort potentiel

C’est dans ce contexte dynamique que 35 chefs d’entreprise marocains, représentant les secteurs phares de l’export national, ont fait cap sur Le Caire du 3 au 5 mai 2025. Leur objectif ? Nouer des relations économiques durables avec des partenaires égyptiens, détecter de nouvelles opportunités d’affaires et affirmer la présence marocaine sur un marché arabe stratégique. Derrière cette initiative, la Confédération marocaine des exportateurs (ASMEX), moteur de cette mission économique, avec à sa tête Hassan Sentissi El Idrissi. Cette démarche, portée par un souffle institutionnel, bénéficie du soutien actif d’Omar Hejira, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur.

Plutôt que de miser uniquement sur des marchés traditionnels, le Maroc semble vouloir rééquilibrer ses échanges extérieurs en regardant vers ses pairs régionaux. L’Égypte, avec ses besoins croissants en produits manufacturés, services spécialisés et innovations agro-industrielles, offre un terrain fertile à cette ambition. Pour les exportateurs marocains, cette mission se présente non seulement comme une vitrine de leur savoir-faire, mais aussi comme un laboratoire pour expérimenter de nouvelles formes de coopération Sud-Sud.

Une diplomatie économique au service des entreprises

L’engagement de l’ASMEX s’ancre dans une vision plus large de la diplomatie marocaine, qui n’hésite plus à faire de l’économie un levier d’influence. À travers ce type de mission, l’export devient un outil de dialogue stratégique, dépassant le simple cadre commercial pour toucher à des enjeux de souveraineté économique, de création de valeur locale et de compétitivité régionale. Le Maroc cherche ainsi à éviter les déséquilibres chroniques de sa balance commerciale en stimulant ses exportations vers des marchés en affinité culturelle, géographique et réglementaire.

En mobilisant ses entreprises dans des démarches de prospection structurée, l’ASMEX ne se contente pas d’accompagner : elle pilote, elle fédère, elle trace des trajectoires. Le choix de l’Égypte n’est donc pas anodin : il illustre une volonté de miser sur la complémentarité plutôt que sur la rivalité, dans un contexte régional encore marqué par les incertitudes géopolitiques et économiques.

Quand économie rime avec stratégie régionale

Au-delà de la signature de contrats ou de l’ouverture de nouveaux canaux commerciaux, ce type de mission produit un effet catalyseur. Il agit comme un révélateur de ce que le Maroc peut proposer, non seulement en termes de produits, mais aussi en termes de modèles de coopération. Ce déplacement collectif donne à voir un pays qui croit en son tissu entrepreneurial, en la capacité de ses PME à conquérir des marchés exigeants, et en la nécessité de faire entendre leur voix sur les scènes régionales.

Si la diplomatie politique passe souvent par les chancelleries, la diplomatie économique, elle, s’écrit dans les salles de réunion, les foires sectorielles et les rencontres interentreprises. C’est là que se bâtissent les relations durables. En cela, cette mission au Caire ne se limite pas à un simple déplacement : elle préfigure une nouvelle manière pour le Maroc d’interagir avec ses voisins, en misant sur la convergence des intérêts économiques comme levier de rapprochement.

À terme, cette stratégie pourrait bien redessiner la cartographie des échanges du royaume, tout en plaçant les entreprises marocaines au cœur d’une dynamique d’expansion plus audacieuse. À l’image d’un artisan qui affine patiemment ses alliances, le Maroc semble décidé à faire de ses exportateurs les meilleurs ambassadeurs de son développement.