June 9, 2025

L’ordre établi par l’OMC est en train de mourir et l’UE en est responsable

Euractiv

BRUXELLES — Face au refus de la Chine et des États-Unis de « jouer selon les règles » du commerce international, Mario Draghi a récemment exhorté l’Union européenne (UE) à adopter un « changement radical ». Un conseil qu’elle a peut-être pris trop au pied de la lettre.

La très attendue « Boussole pour la compétitivité » publiée par la Commission européenne mercredi montre que l’UE cherche à abandonner l’ordre établi par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qu’elle prétend défendre.

Le texte propose en effet plusieurs mesures commerciales qui, au mieux, repoussent les limites du légal et, au pire, contreviennent directement à l’ordre multilatéral réglementé.

En particulier, la Boussole contient un appel à une « préférence européenne » dans les appels d’offres publics pour les « secteurs et technologies stratégiques ».

Les experts commerciaux notent que cela viole le « principe du traitement national » inscrit dans l’article III de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), qui interdit la discrimination à l’encontre des fournisseurs étrangers.

« Je dirais qu’il y a des signaux d’alarme qui apparaissent immédiatement si l’on dit que l’on va donner la préférence aux fournisseurs européens et aux produits européens », a déclaré Bogdan Evtimov, associé chez Acquis, un cabinet d’avocats basé à Bruxelles.

Selon les experts, la légalité de la politique de préférence européenne dépend d’un certain nombre de facteurs.

Il s’agit notamment de la portée précise des restrictions imposées à la capacité des entreprises étrangères à soumissionner pour des marchés publics, de la plausibilité de l’argument de l’UE selon lequel ces contraintes sont nécessaires à des fins de sécurité et de la probabilité que d’autres pays contestent les mesures à l’OMC.

La publication de cette Boussole pour la compétitivité intervient dans un contexte de consensus croissant en Europe sur la nécessité de modifier la politique commerciale de l’Union pour atténuer l’impact économique du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche.

Le président américain, adepte des tarifs douaniers, a menacé à plusieurs reprises d’imposer des droits de douane élevés sur toutes les importations américaines et a refusé d’exclure le recours à la « coercition économique » pour forcer le Danemark à renoncer au contrôle du Groenland.

« Il est clair que [Donald] Trump comprend le pouvoir et la force, et non les règles et les normes. En tant qu’UE, nous devrons donc en tenir compte », a commenté un diplomate européen, ajoutant que l’Europe devrait s’efforcer d’« équilibrer » ses intérêts économiques avec la nécessité de « faire respecter le système fondé sur des règles ».

Cependant, Olof Gill, porte-parole de la Commission européenne pour le Commerce, a farouchement rejeté l’idée que Bruxelles envisage de plus en plus d’ignorer les principes du commerce international.

« Toutes les politiques de l’UE sont soigneusement calibrées pour être pleinement conformes aux obligations internes de l’UE et aux obligations internationales, y compris la législation de l’OMC », a-t-il déclaré.