June 8, 2025

Jonathan Anderson prend tout Dior : ce qu’il va apporter à la marque

Mode & design

Le créateur est le premier à être à la direction artistique des univers masculin et féminin de la maison créée par Christian Dior. Voici ses principaux atouts.

Vicky Chahine du Le Point 

Jonathan Anderson, directeur artistique des univers masculin et féminin de Dior.   

Jonathan Anderson, directeur artistique des univers masculin et féminin de Dior.    © David Sims

En avril dernier, Dior annonçait qu’il allait confier à Jonathan Anderson ses collections masculines, mais les rumeurs évoquaient un spectre plus large pour le créateur nord-irlandais âgé de 41 ans. C’est confirmé : ce dernier prendra également la succession de Maria Grazia Chiuri à la mode femme, devenant ainsi le premier directeur artistique à créer l’ensemble des collections de la maison du groupe LVMH. Rarement un créateur aura eu un champ d’action aussi large, dessinant à la fois pour le prêt-à-porter et la haute couture, pour l’homme et la femme. Voici ses atouts.

Un travailleur invétéré

La carrière d’Anderson est liée depuis de nombreuses années à LVMH. Lorsqu’il lance J. W. Anderson, en 2008, le groupe investit dans sa marque avant de lui confier, en 2013, les rênes de la maison historique Loewe, qu’Anderson a quittée en mars dernier après avoir réussi à la placer sur l’échiquier du luxe. Sacré « designer international of the year » par le CFDA en 2023 et classé parmi les cent personnes les plus influentes de l’année 2024 par le magazine Time, il a également collaboré avec Luca Guadagnino sur les costumes de ses deux derniers films et chapeaute une ligne pour Uniqlo depuis plusieurs années, démontrant son habileté à naviguer d’un univers à un autre. Près de deux décennies qui lui ont permis d’affirmer son approche de la mode et d’apprendre à s’organiser pour mener de front plusieurs missions.

La maîtrise des lignesLa sophistication, le sens de la coupe et des volumes, une signature de Jonathan Anderson – ici l'automne-hiver 2024 de Loewe.  © Laura Hinstin

La sophistication, le sens de la coupe et des volumes, une signature de Jonathan Anderson – ici l’automne-hiver 2024 de Loewe.  © Laura Hinstin

Rien ne paraît plus compliqué que de réinventer la forme d’une jupe ou d’un pull ? Jonathan Anderson a démontré l’exact contraire. Déconstruction des archétypes, questionnement des codes vestimentaires, création de volumes inattendus, le créateur britannique ne recule devant aucune audace pour faire de la mode un terrain d’expérimentation artistique aussi intellectuellement excitant que commercialement désirable. S’il cultive un indéniable talent pour créer des pièces très visuelles, il garde en tête la fonctionnalité de ses collections grâce notamment à son sens très précis de la coupe. Une approche pleine de précision qui lui sera précieuse dans une maison née de la couture.

Le sens de l’humour et de la poésie

La poésie d'un oiseau de maille sur l'épaule chez J. W. Anderson pour l'été 2025. © DRLa poésie d’un oiseau de maille sur l’épaule chez J. W. Anderson pour l’été 2025. © DR

Un talon en forme de pinceau kabuki, un oiseau de maille sur l’épaule, une minaudière ressemblant à s’y méprendre à un pigeon (actuellement exposée au Louvre dans le cadre de l’exposition « Louvre Couture »), une robe dont le tombé prend la forme d’une voiture ou celle avec des ballons de baudruche glissés entre les plis… Au fil des saisons, le créateur joue avec les codes, s’en empare pour mieux les détourner, s’amuse en imaginant des trompe-l’œil qui ravissent les invités des défilés… avant d’enflammer les réseaux sociaux, également conquis par les campagnes de publicité – comme celle mettant en avant Dame Maggie Smith. Une approche ludique du vêtement et un savant dosage d’ironie et d’humour british parfaitement maîtrisés qui questionnent, l’air de rien, l’industrie de la mode.

Un vrai dialogue avec l’artLe dialogue avec l'art – ici le set du défilé automne-hiver 2024-2025 de Loewe, dévoilant des peintures de l'artiste Albert York.    © DR

Le dialogue avec l’art – ici le set du défilé automne-hiver 2024-2025 de Loewe, dévoilant des peintures de l’artiste Albert York.    © DR

Une immense suspension orange conçue par l’artiste allemand Franz Erhard Walther avec une tonalité graphique en écho aux silhouettes masculines (Loewe, automne-hiver 2019), les boîtes confettis de l’artiste italienne Lara Favaretto, dont la dimension éphémère rappelle celle des collections saisonnières (Loewe, automne-hiver 2023-2024), ou encore les œuvres de l’Américain Albert York dont la faune et la flore ponctuent les silhouettes des mannequins (Loewe, automne-hiver 2024-2025). Administrateur du Victoria & Albert Museum pendant plusieurs années et collectionneur passionné, Anderson a réussi à faire du monde de l’art plus qu’un décor de défilé en créant un véritable dialogue avec sa mode. Une approche qui aurait sans doute fait sourire d’aise Christian Dior lui-même – ne débuta-t-il pas en étant galeriste ?

Le respect de l’artisanat

Si Jonathan Anderson maîtrise parfaitement les codes de la culture contemporaine, il n’en reste pas moins profondément attaché à l’artisanat, qu’il a pu côtoyer de près chez Loewe, maroquinier historique né en 1846 à Madrid. Grâce à la modernité de ses créations, il actualise des savoir-faire historiques comme la vannerie et le tressage mis, par exemple, en avant dans la ligne Loewe Weaves. En 2016, Jonathan Anderson crée le Loewe Foundation Craft Prize, dont la dernière édition vient de récompenser à Madrid la sculpture anamorphique en terre cuite du Japonais Kunimasa Aoki. Une mise en avant de la modernité des gestes de la main qui rime aussi avec le souci d’excellence des ateliers de l’avenue Montaigne.

Le sens du produit

Si l’on a beaucoup parlé de la richesse de ses inspirations, qui vont du Studio Ghibli au film Sunset Boulevard en passant par Gerhard Richter, Jonathan Anderson est probablement l’un des rares créateurs à savoir ajouter à cette approche cérébrale un talent pour dessiner de futurs best-sellers. Ses pièces emblématiques qui ont marqué l’histoire de Loewe et continuent d’en faire les beaux jours ? Le sac Puzzle aux désirables formes géométriques complexes, le panier en raphia avec son empiècement en cuir logoté, mais également son denim Anagram et ses mailles graphiques. Le dernier en date : la pochette inspirée par une tomate ancienne qui a fait un buzz phénoménal sur les réseaux. Sa première collection pour Dior sera masculine : rendez-vous le 27 juin à 14 h 30.