
Loïc Jaegert-Huber, Directeur Régional Afrique du Nord chez ENGIE et Président de la Commission des Energies Propres à l’ASMEX
Quels sont les enjeux de la transition énergétique dans un pays comme le Maroc et comment peut-elle devenir une opportunité ?
La transition énergétique au Maroc est bien plus qu’une simple nécessité ; elle est impérative. Le pays est confronté à des défis majeurs, notamment une dépendance forte aux importations énergétiques, une vulnérabilité aux fluctuations des prix des combustibles fossiles et une pression croissante pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour le Maroc, la transition énergétique représente une opportunité cruciale pour garantir sa sécurité énergétique, diversifier son mix énergétique, stimuler son économie et devenir un leader régional en matière de durabilité.
La transition énergétique va bien au-delà d’une simple évolution du mix énergétique. C’est une occasion de réinventer l’avenir du Maroc. En se tournant vers les énergies renouvelables telles que le solaire et l’éolien, le Maroc peut non seulement réduire sa dépendance aux combustibles fossiles, mais aussi créer des emplois dans des secteurs émergents, attirer des investissements étrangers et promouvoir l’innovation technologique. De plus, cette transition permet au Maroc de positionner son économie dans un monde de plus en plus axé sur des solutions compétitives et respectueuses de l’environnement.
Quels sont les secteurs concernés en priorité par le nouveau Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières de l’Union Européenne (MACF) à partir de 2026 ?
Le nouveau Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières de l’Union Européenne (MACF) vise en priorité les secteurs à forte intensité énergétique et émetteurs de carbone. Instaurée le 1er octobre 2023, cette mesure, également connue sous le nom de taxe carbone européenne ou Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM), représente une réponse de l’Union européenne au défi climatique, s’inscrivant dans le cadre de son ambitieux programme « Green Deal ».
Ce mécanisme étend les normes environnementales européennes aux entreprises exportant sur son territoire, les incitant ainsi à internaliser le coût de leurs émissions de gaz à effet de serre. Structurée en trois phases, le dispositif débute par une période de transition, durant laquelle les importateurs devront seulement déclarer les émissions carbone des produits importés. La deuxième phase, prévue dès 2026, entraînera le paiement direct de ces émissions carbone par les importateurs. Enfin, dès 2034, ce dispositif pourra être étendu à d’autres catégories de biens.
Les secteurs prioritaires concernés comprennent notamment le fer et l’acier, l’aluminium, le ciment, les engrais, l’électricité et l’hydrogène. Dans un premier temps, les exportations marocaines seront peu affectées, touchant principalement le secteur des engrais. Cependant, cette mesure incitative vise à encourager la transition vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement, offrant ainsi une opportunité pour les industries de s’adapter et de prospérer dans une économie bas carbone en évolution.
A votre avis faut-il attendre l’échéance pour initier la transition dans les autres secteurs ?
Absolument pas. C’est maintenant qu’il faut agir. En prenant des mesures immédiates, le Maroc peut non seulement réduire son empreinte carbone mais aussi renforcer sa résilience climatique, avec des technologies plus propres et des pratiques plus durables. Chaque jour compte dans la lutte contre le dérèglement climatique, et même si le dispositif est progressif, demain se prépare dès aujourd’hui !
Concrètement, les importateurs européens devront acheter auprès des autorités nationales des certificats, dont le prix sera indexé sur celui du CO2 au sein du marché européen du carbone. Le nombre de ces certificats pour chaque entreprise dépendra de ses émissions de CO2 lors de la production des biens concernés. Pour comptabiliser ces émissions, les exportateurs marocains devront transmettre leurs données aux importateurs européens. Cette démarche est essentielle car si ces données ne sont pas transmises, les importateurs devront appliquer des valeurs par défaut et donc plus élevées.
Si vous ne l’avez pas encore fait, et même si vos exportations ne sont pas encore soumises au mécanisme, il est donc grand temps de réaliser un audit de votre empreinte carbone !