Hydrogène naturel : ce que l’on sait des premières recherches autorisées en France
L’EXPRESS
Environnement. Le gouvernement a donné son feu vert à la première exploration en France d’hydrogène naturel, ressource décarbonée et alternative aux énergies fossiles. Après de premières études, le forage pourrait voir le jour dans deux ou trois ans dans les Pyrénées-Atlantiques.
K.S.E avec AFP

Vue générale des montagnes de Haute Soule, de la vallée d’Aspe et de la vallée d’Ossau. Le premier permis d’exploration d’hydrogène naturel a été accordé en France le 3 décembre 2023, dans les Pyrénées-Atlantiques, et cinq autres sont en cours.
C’est le premier permis autorisant les recherches d’hydrogène naturel dans le sous-sol français. Cette source d’énergie primaire décarbonée, qui suscite de l’intérêt dans le monde comme alternative aux énergies fossiles, pourra être exploitée dans quelques années dans les Pyrénées-Atlantiques. Annoncé ce dimanche 3 décembre au Journal Officiel, ce « permis exclusif de recherches de mines d’hydrogène natif, hélium et substances connexes dit Sauve Terre H2 » a été accordé à la société TBH2 Aquitaine pour cinq ans sur une zone d’environ 225 kilomètres carrés. Cinq autres demandes sont également en attente. « C’est un grand jour, on est très heureux de cette aventure qui démarre », a réagi auprès de l’AFP Vincent Bordmann, fondateur de l’entreprise basée à Pau.
Ce vecteur d’énergie, aussi appelé hydrogène « blanc », a l’avantage de ne pas émettre de CO2, un des gaz à effet de serre responsables du changement climatique, contrairement à l’hydrogène dit « gris », produit à partir d’énergies fossiles. Quant à l’hydrogène industriel dit « vert », fabriqué à partir d’électricité renouvelable, sa production est très onéreuse. Selon le fondateur de la société chargée de l’exploitation, l’octroi de ce permis enclenche les travaux d’exploration, à commencer par des études sismiques. Le forage n’interviendra que dans deux ou trois ans, après de nouvelles autorisations.
Les autres dossiers à l’instruction par le gouvernement sont situés dans le centre du pays, en Lorraine et dans le Jura. Une autre demande de permis de recherches dans les Pyrénées-Atlantiques a été déposée en mars par la start-up 45-8 Energy, basée à Metz, et Storengy, filiale d’Engie, pour une zone de 266 km² mitoyenne sur dix kilomètres de celle que va prospecter TBH2 Aquitaine. Des études de terrain préliminaires avaient confirmé le potentiel du secteur. « À proximité des Pyrénées, l’hydrogène vient de l’interaction eau/roche » dans le sous-sol, explique auprès de l’AFP Isabelle Moretti, chercheuse à l’université de Pau et des Pays de l’Adour.
On en trouve d’ailleurs aussi côté espagnol, où l’entreprise Helios Aragón veut exploiter un puits foré il y a cinquante ans. « À l’époque, ça n’intéressait personne », souligne la scientifique. La société espagnole table sur une réserve de 1,1 million de tonnes d’hydrogène naturel, qui pourrait être produit à un prix avoisinant un euro le kilo. « Soit moitié moins cher » que l’hydrogène le plus abordable actuellement « qui, lui, n’est pas décarboné », souligne Isabelle Moretti.
Un seul site de production au monde
La certitude de l’existence d’hydrogène sous nos pieds n’en était pas une il y a encore dix ans, relève Yannick Peysson, responsable de programmes à IFP Energies nouvelles. « Les choses s’accélèrent, c’est absolument clair », abonde le géochimiste Alain Prinzhofer, spécialiste de l’hydrogène naturel. Dans le monde, des forages ont débuté en Australie ou aux États-Unis, mais un seul site produit actuellement de l’hydrogène naturel, au Mali.
« C’est une découverte qui a changé beaucoup de choses », ajoute Alain Prinzhofer, qui connaît bien ce gisement situé à 100 mètres de profondeur à Bourakébougou. « On a constaté que la pression y reste constante, voire augmente », ce qui implique un renouvellement des flux « à l’échelle d’un temps humain ». Selon lui, la bascule est faite dans la filière. Après les recherches pionnières « de petites entreprises qui acceptent le risque », « les gros pétroliers et les grandes majors de l’énergie sont désormais en embuscade et surveillent l’évolution » du secteur.
Evolution de la législation
En avril 2022, le Code minier français a été amendé sur de nombreux points, dont l’ajout de l’hydrogène naturel à la liste des ressources minières. Mais les législations en la matière sont loin d’être homogènes. « C’est un domaine foisonnant et dans beaucoup de pays, il n’y a pas de feuille de route claire », constate Yannick Peysson, qui reste « modéré sur le potentiel » de la ressource et appelle surtout à investir dans la recherche.
Isabelle Moretti acquiesce : « Beaucoup de chercheurs français travaillent sur l’hydrogène naturel mais notre avance est en train de se réduire car certains gouvernements mettent énormément d’argent » dans la filière naissante.