June 9, 2025

Guerre commerciale des États-Unis : comment les services de l’État s’organisent pour accompagner les entreprises françaises

Christine Gilguy

Les nouveaux droits de douane annoncés par Donald Trump le 2 avril ont sidéré les entreprises du monde entier par leur ampleur, souvent plus importante que ce que de nombreux observateurs avaient anticipés. En France, les services de l’État mettent en place des dispositifs spéciaux pour informer et conseiller les entreprises.

Plus de 20 000 entreprises françaises, dont de nombreuses PME, exportent chaque année aux États-Unis : on imagine la sidération qui a frappé leurs dirigeants lorsque le président américain a dévoilé sa politique de droits de douane dits « réciproques » le 2 avril. Avec l’instauration d’un droit de douane universel de 10 % minimum dès le 5 avril, augmenté le 9 avril à un niveau souvent supérieur, fixé à 20 % pour l’Union européenne, au titre des droits de douane réciproques.

Ces droits de douane réciproques constituent la troisième salve de nouvelles mesures tarifaires touchant les entreprises européennes, après celles annoncée le 10 février concernant les droits de douane additionnels sur l’acier (+ 25 %) et l’aluminium (passés de 10 à 25 %) et leurs dérivés, et, plus récemment, le 26 mars, celle annoncée sur les véhicules et pièces détachées automobiles avec des droits ad valorem de 25 %.

Vent de panique dans les entreprises

Dans beaucoup de directions d’entreprises, cela a donné lieu à un vent de panique, laissant place ensuite à une mise à plat des répercussions de ces nouveaux tarifs, puis à une réflexion accélérée sur les stratégies possibles pour y faire face, que cela passe par une réorientation des flux import-export ou la recherche d’une diversification du sourcing et des débouchés.

Car non seulement les entreprises doivent prendre en compte les nouveaux tarifs appliqués par les États-Unis aux biens européens importés, mais elles doivent aussi prendre en compte l’impact des droits de douanes appliqués aux autres pays où elles s’approvisionnent en composants. Ceux-ci risquent en effet d’avoir des conséquences sur le taux final de tarif sur les produits finis qu’elles exportent aux États-Unis. Pour la Chine (qui vient de riposter), c’est 34 % additionnels (soit 54 % au final), pour le Vietnam, c’est 46 %, pour la Côte d’Ivoire, 41 %, pour le Canada, c’est 20 %….

Véritable casse-tête, en attendant la riposte européenne

Un véritable casse-tête, même pour celles des entreprises françaises qui ont des implantations outre-Atlantique et font venir des produits d’Europe (ou d’ailleurs).

Ce contexte est d’autant plus générateur d’incertitude que la riposte européenne, qui se prépare au niveau de la Commission européenne dans le cadre d’une concertation avec les États membres, ne va pas tarder à se manifester, si les tentatives de négociation entre Bruxelles et Washington échouent, même si chacun sait qu’elle sera « proportionnée » pour reprendre le mot d’Eric Lombard, le patron de Bercy. Elle est attendue pour mi-avril.
Dernières actualités : Lors d’une conférence de presse le 7 avril à Bruxelles, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré que l’Union européenne a « proposé des droits de douane nuls pour les produits industriels » dans les deux sens entre les deux blocs, ajoutant que « nous sommes également prêts à répondre par des contre-mesures et à défendre nos intérêts » et que « l’Europe est toujours prête à conclure un bon accord » avec les États-Unis. Cette proposition a en effet été faite à Washington dès le mois de février. La président de la Commission a néanmoins ajouté : « nous sommes également prêts à répondre par des contre-mesures et à défendre nos intérêts. »
Rappelons qu’une première salve est prévue pour répondre aux droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium, une seconde, plus tard dans le mois, visera à répondre aux derniers droits de douane réciproques de l’administration Trump.

Côté gouvernement français et services de l’État, l’heure est à la mobilisation générale pour tenter d’accompagner au mieux les entreprises et de contribuer à inspirer « la riposte » de Bruxelles. Sur ce dernier point, Laurent Saint-Martin, ministre délégué au Commerce extérieur, assistait le 6 avril à un conseil Commerce européen dont on attend de nouvelles annonces.

Réunions à haut niveau

La mobilisation s’est faite un peu en ordre dispersé au premier abord. Dans la foulée du président Macron, qui a convié à l’Elysée dès le 3 avril un certain nombre de patrons de groupes français et de fédérations pour un premier briefing -appelant, entre autres, les entreprises à suspendre leurs investissements aux États-Unis- Éric Lombard, le ministre de l’Économie et des finances a annoncé dans un entretien au JDD la tenue d’un conseil d’entreprises le 14 avril à Bercy.

« Dans ces temps difficiles, nous devons faire équipe avec nos entreprises, a justifié le ministre. C’est pourquoi je vais réunir un Conseil des entreprises (une instance de dialogue régulier avec les représentants du Medef, de la CPME, de l’U2P, du Meti et de l’Afep). L’idée, c’est de structurer notre travail sur tout sujet, national ou international, ayant un impact sur notre économie ». Le locataire de Bercy a lui aussi appelé les entreprises françaises à mettre « en pause » leurs investissements outre-Atlantique.

Entre-temps, Marc Ferracci, ministre de l’Industrie et de l’énergie, avait annoncé le 4 avril qu’il convoquait un Conseil national de l’industrie -instance qui réunit les comités nationaux de filières- pour le 8 avril. « Nous allons avoir une analyse extrêmement fine, a notamment déclaré le ministre. Nous attendons que toutes les filières industrielles nous fassent remonter leurs analyses sur ce que doit être le bon niveau de réponde. Les mots d’ordre c’est l’unité, le travail collectif dans le diagnostic. »

Dans certaines filières comme l’aéronautique (18 % des exportations françaises outre-Atlantique), l’imbrication entre les industries françaises, européennes et américaines est telle que les nouveaux droits de douane américains provoquent un chaos en termes d’organisation de la supply chain et de coûts. « Beaucoup de pièces circulent entre la France et les États-Unis » explique au Moci Marc Fabre-Garrus, chef de la mission Action économique et entreprises au sein de la sous-direction Commerce international de la DGDDI (direction générale des Douanes et droits indirects).

En attendant, sur le plan pratique, plusieurs sources d’informations et de conseil ont été mises à la disposition des entreprises.

Christine Gilguy