Droits de douane : le risque d’une escalade incontrôlable
Après des semaines de rodomontades, de menaces et de revirements, Donald Trump a enfin dévoilé les détails de l’arsenal protectionniste qu’il compte déployer pour « rendre sa richesse à l’Amérique », selon l’intitulé de la présentation qu’il a faite, mercredi 2 avril, dans la roseraie de la Maison Blanche. En instaurant des droits de douane « réciproques », le président des Etats-Unis affirme vouloir corriger des années d’échanges commerciaux « injustes », qui ont permis aux autres pays d’« escroquer » l’Amérique. Ce récit, pétri de paranoïa, de vengeance et de coercition à l’égard du reste du monde, promet de remodeler profondément les échanges internationaux.
La méthode est triplement problématique. D’abord, ces taux ont été calculés de façon totalement arbitraire. Ils sont fonction non seulement des barrières douanières pratiquées par les pays visés, mais aussi d’autres critères, plus contestables. Sont pris en compte de prétendues « manipulations monétaires », les normes et règlements, ou encore certains impôts (comme la TVA en Europe) accusés de désavantager les Etats-Unis. S’engager dans une guerre commerciale est une décision grave. Le faire à partir d’un barème hautement subjectif et qui mélange des paramètres aussi hétéroclites relève d’une légèreté confondante.
Le deuxième problème réside dans le climat d’incertitude généralisée qui découle de ces rapports de force. Donald Trump se réserve la possibilité de moduler les droits de douane en fonction de la bonne volonté des partenaires commerciaux à se plier aux injonctions américaines. Ce système de marchandage permanent, basé sur la terreur et l’extorsion, n’est pas propice aux affaires. Industriels et investisseurs ont avant tout besoin de visibilité et de stabilité pour prendre leurs décisions
Enfin, ce « jour de la libération » pourrait surtout précipiter l’économie mondiale dans une spirale récessive. Contrairement à ce que prétend Donald Trump, les droits de douane ne seront pas acquittés par les pays exportateurs, mais par les consommateurs américains, qui verront les prix augmenter. Tandis que les anticipations d’inflation sont déjà reparties à la hausse, les perspectives de croissance comme les marchés financiers et le dollar sont orientés à la baisse.
Face à cette agression caractérisée, de nombreux pays ne pourront pas rester passifs et seront amenés à prendre des mesures de rétorsion. L’UE a déjà indiqué qu’elle répliquerait. L’efficacité de la riposte dépendra de la cohésion et la détermination dont elle saura faire preuve. En voulant tourner brutalement la page de la mondialisation, Donald Trump prend le risque inconsidéré d’une escalade incontrôlable.