June 9, 2025

Commerce extérieur: un déficit de plus en plus préoccupant

Marchandise transportée par voie maritime (illustration). 

Alors que le commerce extérieur du Maroc affiche une croissance soutenue, le déficit commercial, lui, ne cesse de se creuser. Entre dépendance énergétique, accords de libre-échange défavorables et vulnérabilité face aux chocs mondiaux, le Royaume doit repenser sa stratégie pour renforcer sa résilience économique et mieux valoriser ses atouts.

Lamia Elouali du Le 360

Le commerce extérieur marocain a connu une croissance soutenue ces dernières années. Entre 2021 et 2024, la valeur globale des échanges a bondi de 858 milliards à 1 217 milliards de dirhams, enregistrant une progression de 41,84%. Une dynamique qui témoigne d’une intégration croissante du Royaume dans le commerce mondial. Cependant, indique le magazine Finances News Hebdo, cette évolution s’accompagne d’un déséquilibre structurel persistant. Le déficit commercial s’est creusé sur la même période, passant de 199 à 305 milliards de dirhams. En cause, une hausse plus rapide des importations que des exportations, entraînant une baisse du taux de couverture, qui est passé de 61,8% en 2021 à 59,8% en 2024.

L’ouverture de l’économie marocaine, mesurée par le rapport des échanges extérieurs au PIB, a également connu des fluctuations. Après avoir atteint 85,8% en 2022, elle s’est stabilisée à 77,7% en 2024. Si cet indicateur souligne l’intégration du pays dans les chaînes de valeur internationales, il révèle également une forte dépendance à l’égard de l’étranger, notamment pour des produits stratégiques comme le pétrole, le blé ou les intrants industriels.

Pour Driss Effina, professeur universitaire et président du Centre indépendant des analyses stratégiques, cette tendance est préoccupante. «Le déficit commercial s’accentue d’année en année, et tout indique qu’il continuera sur cette trajectoire», déclare-t-il au magazine. Il tempère néanmoins ce constat en rappelant que les recettes issues du tourisme, les transferts des Marocains résidant à l’étranger, ainsi que les performances de secteurs porteurs comme les phosphates, l’automobile ou l’aéronautique, ont permis d’éviter une dégradation trop marquée des avoirs extérieurs.

Selon lui, la facture énergétique représente à elle seule près de la moitié du déficit commercial, tandis que la facture alimentaire reste particulièrement lourde en période de sécheresse. À l’horizon 2027, le déficit pourrait atteindre entre 300 et 340 milliards de dirhams si les tendances actuelles se maintiennent. «Il est urgent d’accélérer la transition énergétique pour limiter cette dépendance. Le Maroc doit renforcer ses capacités de production d’énergies renouvelables, notamment solaire, éolienne et hydraulique», ajoute l’expert.

Un autre levier stratégique souligné par Effina est la diversification des débouchés à l’international. «Le Maroc ne peut pas continuer à dépendre principalement des marchés européens. Il faut intensifier les efforts en faveur de l’exportation industrielle, à forte valeur ajoutée, tout en renforçant la présence du Made in Morocco sur le marché intérieur».

Le pays dispose, selon lui, d’un potentiel important pour substituer certaines importations par une production locale, à condition d’instaurer des politiques de soutien ciblées. Enfin, Driss Effina plaide pour une révision en profondeur des accords de libre-échange jugés déséquilibrés. «Le Maroc honore ses engagements, mais ce n’est pas toujours réciproque. Certains accords lui sont défavorables, comme celui d’Agadir ou l’accord avec la Turquie. Il est crucial de revoir ces partenariats pour protéger les secteurs stratégiques, notamment l’énergie et l’alimentation», conclut-il.