ONU-Tourisme : Le Maroc attire plus de touristes mais génère moins de recettes
Hespress Français – Actualités du Maroc

Khadija KHETTOU
Alors que le Maroc célèbre une progression remarquable du nombre de touristes avec 17,4 millions de visiteurs en 2024, surpassant des destinations phares comme l’Égypte (15,7 millions), l’analyse de Zoubir Bouhout, expert en tourisme, révèle une autre réalité, celle d’une rentabilité touristique encore très faible.
Selon le dernier rapport de l’ONU-Tourisme, si le Royaume peut se réjouir d’un afflux record, il se place pourtant à la 53e position mondiale en termes de recettes par touriste, avec une moyenne de 650 dollars par visiteur. À titre de comparaison, l’expert en tourisme, Zoubir Bouhout, cite l’Égypte. Bien qu’ayant accueilli moins de touristes, elle se situe à la 40e place du classement, bénéficiant d’un meilleur rendement économique par visiteur .
Pour Zoubir Bouhout, cette situation paradoxale s’explique par plusieurs facteurs structurels. « Il y a un grand écart entre les efforts fournis pour attirer les touristes et le manque de rentabilité qui en résulte », regrette-t-il, soulignant que les Marocains résidant à l’étranger (MRE), bien qu’inclus dans les statistiques, « ont un apport touristique relativement faible, malgré leur rôle crucial dans les transferts de fonds ».
Bouhout pointe du doigt des séjours souvent trop courts, un parc hôtelier haut de gamme encore limité – bien qu’en développement –, et surtout, le manque d’infrastructures d’animation touristique.
« Les grands projets comme les villages d’attractions ou les parcs à thème type Disneyland sont quasi inexistants. Ce sont pourtant ces lieux où les touristes dépensent le plus », soulève-t-il.
Toujours dans sa comparaison avec l’Egypte, Bouhout rappelle « qu’en 2025, l’Égypte prévoit de construire 34.000 chambres supplémentaires, contre seulement 8.500 pour le Maroc », indique-t-il, avant d’ajouter que « plus l’infrastructure est développée, plus les négociations avec les compagnies aériennes et autres sont facilitées ».
Un décalage inquiétant entre arrivées et recettes
Ainsi, les données du premier trimestre 2025 mettent en lumière un autre dysfonctionnement. Plus 22 % de touristes par rapport à la même période de 2024, mais seulement +2,4 % de recettes en devises. « C’est un décalage flagrant. Une telle progression en arrivées aurait dû générer au moins 10 à 15 % de recettes supplémentaires. Cela pose clairement problème », alerte Bouhout.
S’agissant de Marrakech, ville emblématique du tourisme marocain, l’expert salue les efforts entrepris mais appelle à une diversification urgente des circuits pour désengorger les lieux emblématiques comme la place Jamaâ El Fna. « Il faut offrir de nouvelles expériences. Ca commence à se faire déjà notamment à Agafay ou à la Palmeraie. Mais il faut surtout agir pour décongestionner le centre-ville de la cité ocre », suggère-t-il.
Aussi, l’expert en tourisme voit dans la digitalisation une piste prometteuse, notamment avec les initiatives du ministère de la Culture visant la numérisation des tickets d’accès aux monuments historiques. « J’espère qu’à l’avenir, des applications permettront de connaître en temps réel les sites saturés afin de mieux répartir les flux », explique-t-il.
Malgré ces constats préoccupants, Bouhout se montre optimiste. Il estime que le Maroc dispose du potentiel pour remonter dans le classement, à condition de corriger rapidement les faiblesses identifiées.
« Il faut améliorer la durée des séjours, investir dans l’animation touristique, accélérer le développement de l’hôtellerie de luxe, et optimiser la gestion des flux grâce aux technologies », préconise-t-il.