A l’aube d’un conflit commercial mondial, la Chine met en scène sa solidité économique
Le Monde
Le premier ministre chinois a présenté ses objectifs de croissance – 5 % comme en 2024 – dans un contexte chaotique marqué par la mise en place des « taxes Trump ». Le défi : redynamiser la faible consommation intérieure, au moment où le moteur des exportations pourrait flancher.

Les dizaines de berlines de marque Hongqi (« drapeau rouge ») parquées sur la place Tiananmen ont remplacé les Audi A6 d’antan, mais, à ce détail près, il y a quelque chose d’immuable dans les rites du pouvoir chinois. Ces rendez-vous millimétrés peuvent parfois donner une image d’atrophie, mais lorsque le monde devient chaotique, ils doivent rassurer le peuple chinois autant que les nations ne sachant plus à qui se vouer. Ainsi, chaque année dans les premiers jours de mars, 3 000 représentants du Parti communiste chinois convergent à Pékin pour entendre le pouvoir central tirer le bilan des succès de l’année passée et dévoiler les objectifs pour l’année qui commence, établis par la direction du Parti communiste chinois (PCC) dans les semaines qui précèdent.
Mercredi, le premier ministre, Li Qiang, sous le regard attentif du tout-puissant président, Xi Jinping, et de toute l’Assemblée nationale populaire, a donc de nouveau lu la feuille de route tracée par Pékin qui entend montrer à la nation autant qu’au reste du monde qu’au moins l’une des grandes puissances est prévisible et stable. « L’immense navire de l’économie chinoise continuera de fendre les flots et d’avancer avec détermination vers le futur », a lancé le premier ministre, tandis que des hôtesses en veste rouge parcouraient symétriquement les rangs pour remplir les tasses de thé des délégués sous l’étoile tout aussi rouge du Grand Palais du peuple.
Le contexte ne pourrait pourtant être plus incertain. Revenu au pouvoir le 20 janvier, le président américain, Donald Trump, a déjà imposé deux hausses successives de droits de douane de 10 % sur les produits chinois. La dernière est entrée en vigueur mardi, à la veille de la réunion politique de l’année en Chine. De quoi entraîner la première puissance exportatrice de la planète dans une escalade vers la guerre commerciale. « Un environnement externe de plus en plus complexe et difficile pourrait avoir un impact croissant sur la Chine dans des secteurs tels que le commerce, la science et la technologie », a reconnu M. Li.
« Vigoureusement appuyer » la consommation
Malgré ces vents contraires, Pékin a dévoilé un objectif de croissance du produit intérieur brut chinois de 5 % sur un an, comme les deux années précédentes. Une déclaration de confiance en soi alors qu’il a déjà été difficile à atteindre en 2024. La Chine redit régulièrement que cet objectif de croissance économique n’est plus une fin en soi, mais, dans les faits, placer la barre plus bas en début d’année ou ne pas atteindre le résultat promis en fin d’année trahirait des doutes sur la santé de la deuxième économie mondiale. Pékin se tient ainsi à cette ligne d’horizon.
« Difficile d’avoir des certitudes »
Dans ce moment, la tempête Trump ne pourrait être plus déstabilisante. Quelques heures plus tôt, la Chine s’était levée en apprenant que le conglomérat CK Hutchison s’est rapidement résolu à céder au fonds américain BlackRock les deux terminaux portuaires qu’il gérait à l’entrée et à la sortie du canal de Panama sous la pression de la nouvelle administration américaine. Le groupe du milliardaire de Hongkong Li Ka-shing, profite de ce contexte pour obtenir un deal à 22,8 milliards de dollars (21,5 milliards d’euros) de la part du plus grand gestionnaire d’actifs de la planète mais, en contrepartie, il cède toutes ses activités portuaires hors de Chine, soit des terminaux dans vingt-trois pays, de l’Australie au Mexique en passant par le Royaume-Uni et le Moyen-Orient.
Les actions du groupe ont bondi sur la place de Hongkong, mais le revers pour les intérêts chinois de par le monde est patent. « L’élite politique chinoise s’inquiète de la puissance économique américaine. Il s’agit toujours de la première économie et elle a de nombreux outils qui permettraient de causer de grands dommages à une économie chinoise qui montre encore des signes de fébrilité », constate Neil Thomas, chercheur sur la politique chinoise à Asia Society.
Devant les membres du Politburo et ceux du Conseil d’Etat (le gouvernement), le président chinois en personne avait appelé, le 26 février, les officiels à rester mesurés et à « répondre avec calme aux défis qu’apportent les changements dans la situation intérieure et internationale ».