Le Groenland pourrait-il tenir tête militairement aux États-Unis ?
L’île arctique attise les convoitises de Donald Trump. Le futur 47ᵉ président des États-Unis refuse d’exclure d’user de la force pour s’en emparer.
Clément Machecourt du Le Point
Lors d’une conférence de presse organisée dans sa résidence de Mar-a-Lago à Palm Beach (Floride) le 7 janvier dernier, Donald Trump a développé sa vision géopolitique de son futur mandat de président des États-Unis. Interrogé sur ses précédentes déclarations où il souhaitait voir le Canada rejoindre les États-Unis, l’homme d’affaires semblait prêt à utiliser tous les moyens pour que le canal de Panama et le Groenland passent sous le contrôle américain.
Si la vente du territoire est écartée par Copenhague, la force pourrait être une option. « Dans les deux cas [le Groenland et Panama], je ne peux pas assurer [que les États-Unis n’utiliseront pas la force armée] », a-t-il répondu.
Pourquoi cette île de 2,16 millions de km², territoire autonome danois d’un peu plus de 56 000 habitants, intéresse à ce point Donald Trump ? « Nous avons besoin du Groenland pour des raisons de sécurité nationale », assure celui qui avait déjà émis le souhait de racheter le Groenland en 2019.
L’idée serait de reformer la ligne GIUK (Groenland-Iceland-United Kingdom) théorisé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Cette « barrière » permettait durant la Guerre Froide, grâce à une série de bases et de stations radars, de contrôler l’accès à l’océan Atlantique et repérer les navires russes arrivant depuis le nord.
Outre la Russie qui y multiplie les activités militaires, la Chine lorgne également cette partie du monde, dont la fonte accélérée des glaces ouvre des opportunités commerciales et stratégiques avec de nouvelles routes maritimes. Enfin, tous convoitent les ressources minières et pétrolifères qui attendent sous la glace : terres rares, uranium, pétrole et gaz naturel.
L’arsenal militaire du Groenland : un avion, quatre navires et… six traîneaux
Si les États-Unis de Donald Trump usaient de la force, le Groenland ne pourrait qu’offrir une résistance symbolique avec sa police locale et des forces limitées : un avion, quatre hélicoptères, quatre navires et… six traîneaux tirés par 80 chiens.
En 2021, le Danemark et le Naalakkersuisut (le gouvernement du Groenland) annoncent la signature d’un accord portant sur la formation militaire élémentaire pour les habitants du Groenland. Trois ans plus tard, seuls 22 jeunes Groenlandais entament la formation de base tandis que 236 personnes ont postulé, dont 82 répondaient aux critères d’admissions.
Toujours en 2021, conscients de l’importance du Groenland, les principaux partis politiques et le gouvernement danois signent un accord-cadre pour renforcer les forces armées dans l’Arctique et l’Atlantique nord. D’un montant de 1,5 milliard de couronnes danoises (400 millions d’euros à l’époque), l’aide doit muscler les capacités militaires : drones longue portée, surveillance par satellite, radars côtiers, communications tactiques classifiées…
Face au Groenland, la première puissance mondiale
En face, les États-Unis possèdent le budget militaire le plus important du monde : environ 816 milliards de dollars en 2023. Seulement 2 300 km séparent les forces américaines de Nuuk, la capitale groenlandaise. Une distance qui serait rapidement couverte avec des porte-avions à propulsion nucléaire ou des bombardiers à long rayon d’action depuis la terre.
De plus, l’armée américaine dispose d’ores et déjà d’une base aérienne à Thulé, la plus septentrionale des États-Unis, qui assure l’alerte précoce en cas de tirs de missiles visant le pays. La marine américaine opère aussi en toute liberté dans les eaux du Groenland avec des destroyers et des sous-marins.
Un tel conflit viendrait en revanche fragiliser significativement l’Otan, avec une guerre ouverte entre deux nations membres : les États-Unis et le Danemark. Le royaume, situé à 3 300 km, aurait bien du mal à s’opposer à une invasion de son territoire autonome. Son armée de l’air, composée majoritairement de F-16 et de F-35, serait sans doute rendue inopérante, les matériels américains restant toujours plus ou moins sous le contrôle de leur constructeur.
Provocation ou volonté impérialiste assumée, la déclaration de Donald Trump aura malgré tout provoqué des réactions. Lundi 13 janvier, le Premier ministre du Groenland, Mute Egede, s’est montré ouvert à une plus grande coopération commerciale et militaire avec les États-Unis. Suffisant pour le futur 47ᵉ président américain ?