June 9, 2025

Approvisionnement en eau : le dessalement comme solution ?

Hespress Français – Actualités du Maroc

Approvisionnement en eau : le dessalement comme solution ?

Mohamed Jaouad EL KANABI

Face à l’aggravation du stress hydrique qui affecte durement le Maroc, le ministère de l’Équipement et de l’Eau envisage de nouvelles solutions pour alimenter les grandes agglomérations du pays.

Parmi celles-ci, le recours au dessalement de l’eau ou à l’eau dessalée, apparaît de plus en plus comme une alternative viable pour certaines régions. La zone Fès-Meknès, bien qu’éloignée de la côte, pourrait être alimentée par cette technologie afin de répondre aux besoins croissants en eau potable, industrielle et touristique. Ce projet ambitieux, encore au stade d’étude, est une priorité stratégique face à l’épuisement rapide des ressources hydriques conventionnelles dans la région.

Une crise hydrique sans précédent à Fès-Meknès

La région Fès-Meknès subit chaque année une pression hydrique croissante, exacerbée par des sécheresses récurrentes et des fluctuations climatiques de plus en plus imprévisibles. Actuellement, les nappes phréatiques constituent la principale source d’eau pour cette région, mais elles sont surexploitées.

Le bassin hydraulique de Sebou, qui alimente Fès et Meknès, présentait déjà en 2018, un déficit de 136,9 millions de m³ d’eau par an. Ce chiffre a sans doute augmenté, en raison de l’urbanisation rapide et des besoins accrus en eau pour l’agriculture, l’industrie et le tourisme.

Dans ce contexte de raréfaction des ressources conventionnelles, il devient impératif de se tourner vers des solutions alternatives. C’est pourquoi le ministère de l’Eau a lancé une série d’études pour explorer les différentes options, dont le dessalement, afin de sécuriser l’approvisionnement en eau des deux villes.

Le bassin de Sebou : une ressource sous pression

Le bassin hydraulique de Sebou dispose d’une capacité exploitable estimée à 1,11 milliard de m³ par an. Cependant, ce bassin, qui couvre près de 28 % du potentiel exploitable en eau souterraine au Maroc, subit une pression croissante en raison de la surexploitation liée à l’agriculture intensive et au développement socio-économique de la région.

Bien que des travaux aient été entrepris pour alimenter la région à partir du barrage d’Idriss 1ᵉʳ, ces mesures ne suffiront pas à combler les besoins à long terme. La surexploitation des nappes souterraines menace la viabilité de cette ressource et renforce la nécessité de solutions alternatives comme le dessalement.

Quel type de dessalement pour Fès-Meknès ?

Contrairement à d’autres régions côtières comme Casablanca ou Dakhla, où le dessalement de l’eau de mer est envisagé ou déjà en cours, Fès et Meknès sont situées à plus de 150 kilomètres de l’Atlantique, rendant cette option techniquement et économiquement peu viable. Il ne s’agit donc pas ici de dessalement de l’eau de mer, mais plutôt du traitement des eaux saumâtres ou des eaux issues de nappes souterraines à forte teneur en sel.

Cette technologie, bien que moins courante que le dessalement de l’eau de mer, est déjà utilisée dans plusieurs régions du monde où les nappes souterraines présentent une salinité élevée. Le dessalement des eaux saumâtres nécessite moins d’énergie que celui de l’eau de mer, ce qui rend le projet potentiellement plus viable pour une région éloignée des côtes comme Fès-Meknès. Mais, est-ce la solution ? Seule comptera la solution des experts de l’Équipement et de l’eau.

Études en cours pour définir la faisabilité

Les études en cours visent à établir précisément les besoins en eau de la région à court, moyen et long termes. Elles permettront de définir la capacité nécessaire pour alimenter les villes de Fès et Meknès, en considérant les besoins des différents secteurs (potable, industriel et touristique). En parallèle, il sera déterminé si l’extension des stations de dessalement existantes (comme celle de Rabat) est une solution réaliste, ou si la construction de nouvelles infrastructures est indispensable pour répondre aux besoins de la région.

Un modèle technico-financier comparatif sera également développé afin d’évaluer la rentabilité de ces projets en fonction des différentes options disponibles, y compris les interconnexions de barrages, qui pourraient temporairement compenser la demande en eau.

Le dessalement : une solution d’avenir, mais à quel coût ?

L’exemple de la station de dessalement de Dakhla, actuellement en construction et qui fournira 37 millions de m³ d’eau par an, dont 7 millions seront réservés à l’eau potable, peut servir de référence. Bien que cette station traite l’eau de mer, elle montre que des infrastructures de cette ampleur peuvent être développées pour sécuriser les ressources hydriques d’une région. Toutefois, pour Fès et Meknès, la faisabilité du dessalement des eaux saumâtres doit encore être confirmée par les études en cours, qui tiendront compte des coûts de production, des infrastructures nécessaires et de l’impact environnemental.

À court terme, les interconnexions entre barrages et les adductions d’eau depuis les infrastructures actuelles pourront offrir un répit temporaire. Cependant, face à la persistance des aléas climatiques et à la pression croissante sur les ressources en eau, le dessalement apparaît comme une solution incontournable pour garantir la sécurité hydrique de la région à long terme.