Aux Etats-Unis, les nuages d’une crise financière s’amoncellent à l’horizon
Le Monde
Arnaud Leparmentier
Bulles financières, moins-values latentes, finance opaque, déficits abyssaux… Les signes avant-coureurs d’un choc financier se multiplient dans une économie américaine qui ne parvient pas à se débarrasser de ses poisons lents : inflation forte et taux d’intérêt élevés.

Des traders à la Bourse de New York, le 30 mai 2024.
Plus les taux d’intérêt restent élevés, plus le risque d’un accident financier augmente. Et si le mandat de Joe Biden a débuté avec la résurgence d’une inflation disparue depuis trois décennies, il pourrait s’achever sur un krach financier aux Etats-Unis. Crise immobilière de bureaux, impasse du capital-risque, risque sur la dette non cotée, bulle de l’intelligence artificielle à Wall Street, déficits abyssaux : les signaux faibles se multiplient, laissant craindre que le ciel serein, fait de plein-emploi et de croissance, ne tourne à l’orage. Une tempête provoquée par la persistance de l’inflation et de taux élevés, ces poisons lents pour l’économie nationale.
Le pays en a eu un avant-goût en mars 2023, lorsque des banques régionales ont fait faillite les unes après les autres pour avoir commis des erreurs de débutant. Elles avaient placé à long terme les dépôts de leurs clients et ont été prises en ciseau par la hausse généralisée des taux : leurs clients ont retiré leurs dépôts pour trouver des rémunérations à court terme équivalentes à celle offerte par la Réserve fédérale (Fed) – 5,25 % par an –, tandis que la valeur de leurs placements à long terme avait baissé (quand les taux montent, la valeur d’une obligation baisse pour s’ajuster et rapporter autant que le marché). L’incendie a été éteint par la Fed et la banque J.P. Morgan, « patronne » de Wall Street en cas de crise grave.
Un an plus tard, les taux élevés continuent de diffuser leur venin. Comme souvent, les crises viennent par surprise, là où nul ne les a vues venir, souvent parce que le système est opaque et ne permet pas d’évaluer les risques. La finance privée est la première concernée. « Privée », non pas par opposition à « publique » – presque rien n’est public aux Etats-Unis−, mais par opposition à « cotée sur les marchés ».
Le premier sujet, c’est l’immobilier de bureaux. Les années 2010 avaient été marquées par une fringale de constructions, qui s’est heurtée au mur du Covid-19 et la généralisation du télétravail, surtout dans les cités chères, telles que New York, San Francisco ou Chicago. Avec 110 millions de mètres carrés de bureaux vacants dans le pays, les bailleurs sont pris en tenaille entre la baisse des loyers et du taux d’occupation et la hausse des taux. Le Wall Street Journal (WSJ) s’est penché sur les prêts immobiliers titrisés, qui représentent moins de 15 % des prêts, mais donnent une bonne indication de l’état du marché.