June 8, 2025

Lundi 9 juin jour férié: 72% des entreprises privées désapprouvent la décision du gouvernement

Siège de la CGEM à Casablanca

Une enquête réalisée par la plateforme spécialisée DRH.ma montre que 72% des entreprises privées désapprouvent la décision du gouvernement de décréter le lundi 9 juin jour férié exceptionnel dans le secteur public à l’occasion de l’Aïd Al-Adha.

Lahcen Oudoud du Le 360

La décision du gouvernement d’accorder un jour férié exceptionnel, le lundi 9 juin 2025, aux fonctionnaires des administrations et des collectivités territoriales n’est pas du goût des entreprises du secteur privé. Une enquête réalisée, les 2 et 3 juin, par DRH.ma, une plateforme pour les managers des ressources humaines (RH), montre que cette décision «a généré un climat d’incertitude inédit (…) et a mis les directions RH face à un arbitrage délicat, entre attentes sociales, impératifs opérationnels et vide juridique».

Dans le détail, les résultats de cet te enquête, à laquelle 143 sondés ont répondu, font état d’une réaction largement critique: 72% des DRH interrogés estiment que la décision d’accorder le jour férié au secteur public est inappropriée au contexte du privé.

42% d’entre eux estiment que cette mesure traduit «un manque manifeste de considération pour les contraintes spécifiques des entreprises», et près d’un quart (24%) des DRH dénoncent «une annonce tardive et une absence de préparation». En résumé, notent les auteurs de ce sondage, la mesure est perçue comme «brutale, non concertée et difficilement applicable à l’échelle des organisations privées».

Dans ces conditions, révèle l’enquête, au 3 juin à 16h, seules 17% des entreprises avaient confirmé l’attribution du jour férié à l’ensemble de leurs collaborateurs, et 22% envisageaient de le faire sous certaines conditions, notamment la continuité de service ou la récupération. 28% d’entre elles prévoyaient de maintenir une activité normale, tandis que 32% n’avaient toujours pas pris de décision à six jours de l’échéance.

«Cette diversité des positions illustre une fragmentation inquiétante des pratiques RH, accentuée par l’absence de recommandations claires», relève l’enquête. En effet, «les DRH ont dû arbitrer seuls, parfois dans l’urgence, souvent sous pression», explique-t-elle, notant que les critères de décision varient. Ainsi, précise-t-elle, certains privilégient l’alignement avec le secteur public (56%), d’autres invoquent le climat social interne (40%), la tradition religieuse (16%) ou encore la productivité anticipée.

Pour les DRH ayant décidé de ne pas accorder de congé aux employés le lundi prochain, les justifications sont avant tout opérationnelles. Ainsi, l’ensemble des sondés évoquent des contraintes majeures sur l’organisation et 68% signalent des difficultés de remplacement ou de continuité. D’autres alertent sur des risques d’absentéisme spontané (42%) ou de perturbation de la relation client (53%).

Les entreprises face à la pression des délais

L’enquête indique que, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, les raisons budgétaires sont marginales (13%) et que ce qui est prioritaire pour les entreprises est la capacité à garantir la performance dans des délais extrêmement courts, sans désorganiser la chaîne de valeur. En effet, pour de nombreuses PME et entreprises industrielles, l’ajout d’un jour chômé sans anticipation revient à déstabiliser la production ou les délais de livraison, explique-t-elle.

Par ailleurs, il ressort également de ce sondage que 85% des DRH estiment que les organisations professionnelles telles que la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et l’Association des gestionnaires et formateurs du personnel (AGEF) devraient jouer un rôle beaucoup plus actif dans l’anticipation et la gestion de ce type de décision.

Plus précisément, la moitié des enquêtés souhaitent la mise en place d’accords-cadres qui permettraient d’encadrer l’application de jours fériés exceptionnels dans le secteur privé. 40% appellent à un dialogue régulier avec les pouvoirs publics, afin d’anticiper les impacts économiques et sociaux.

L’enquête révèle également que la formulation «floue» de la CGEM, recommandant de considérer le 9 juin comme jour chômé «dans la mesure du possible», a été largement critiquée. Pour les DRH, cette absence de position ferme ou de lignes directrices a davantage accentué le désarroi des entreprises qu’elle n’a permis d’apaiser les tensions.

Ce qui fait ressortir, selon les auteurs de ce sondage, la fragilité du dialogue social face à des décisions gouvernementales à effet immédiat. «Dans une conjoncture déjà marquée par des défis de productivité, de climat interne et d’équilibre social, les DRH ne demandent pas plus de jours fériés. Ils demandent du cadre, de l’anticipation, et un mécanisme clair pour gérer l’impact de telles annonces», soulignent-ils.

Les résultats de cette enquête confirment «l’urgence d’instaurer un dispositif de concertation formel, potentiellement tripartite, entre l’État, le patronat et les représentants des salariés, pour éviter que chaque annonce exceptionnelle ne se traduise par une crise de gestion», concluent-ils.