June 8, 2025

L’énergie sous-marine, des gigawatts en puissance

Sciences & Innovations

Des vagues à la houle en passant par les courants, les océans débordent d’énergie.

Michel Revol du Le Point

Une ferme d’hydroliennes.

Une ferme d’hydroliennes.

Il suffisait d’y penser. À Tahiti, l’océan Pacifique est comme une immense réserve de froid disponible en permanence. Le centre hospitalier de la Polynésie française en profite. Un procédé, dit « Swac » (Sea Water Air Conditioning), va chercher de l’eau très froide (4 °C), à 880 mètres de profondeur grâce à près de 4 kilomètres de canalisations. Cette eau rafraîchit ensuite l’hôpital. Économie pour la planète : 5 000 tonnes de CO2 par an, soit un millier d’allers-retours en avion entre Paris et Tahiti pour une personne.

Pour produire de l’énergie, la mer ne manque pas de ressources. « La mer pourrait en théorie couvrir jusqu’à cinq fois nos besoins électriques », s’emballe la Fondation TotalEnergies. Mais tous les modes de production n’en sont pas au même point. Le plus abouti est sans conteste l’énergie hydrolienne. Le principe est assez simple. Il faut se figurer un gigantesque ventilateur posé sur les fonds marins, dont l’hélice est actionnée par les courants. Cette force est ensuite transformée en électricité. En France, une ferme d’hydroliennes devrait entrer en fonction au raz Blanchard, au large de la pointe du Cotentin, en 2028. L’endroit concentre le plus fort potentiel d’Europe : sa capacité est de 5 gigawatts, l’équivalent d’environ cinq réacteurs nucléaires. « On estime la capacité de l’énergie hydrolienne dans le monde entre 100 et 120 gigawatts, observe Marc Lafosse, chargé des énergies marines au Syndicat des énergies renouvelables (SER). La France seule en représente de 4 à 5 %. »

L’énergie houlomotrice est un concept un peu voisin. Il s’agit cette fois d’utiliser la houle. Mais cette filière tâtonne un peu. La technologie ne bénéficie que de quelques démonstrateurs, comme l’un au large du Croisic. De plus, comme pour les hydroliennes, l’installation et la maintenance des engins au large sont coûteuses. La profession place donc ses espoirs dans une variante : les « usines » houlomotrices intégrées à des digues, elles-mêmes destinées à protéger les côtes.

Potentiel

Les chercheurs explorent une nouvelle voie grâce au… sel. Le principe est celui de l’osmose : on stocke, d’un côté, de l’eau salée, de l’autre, de l’eau claire, séparées par une très fine membrane. L’attraction de la seconde vers la première crée une surpression, donc, eurêka, de l’énergie. En France, un démonstrateur sera bientôt installé par la start-up Sweetch Energy dans le delta du Rhône. « L’osmotique est la moins mature des technologies, mais elle est en train de décoller », assure Marc Lafosse.

À l’inverse, l’énergie marémotrice peine. L’usine marémotrice de la Rance, près de Saint-Malo, n’a jamais eu d’héritière en France. Les temps où l’on pouvait bloquer un estuaire avec un barrage en béton de 750 mètres de largeur sont un peu passés. Le formidable potentiel des océans doit donc être, un peu, relativisé. Les coûts de production restent d’ailleurs assez élevés. Au raz Blanchard, le prix du mégawattheure devrait, par exemple, avoisiner 160 euros, soit quatre fois celui des plus récentes éoliennes en mer. La multiplication des hydroliennes, si elle a bel et bien lieu, devrait à terme offrir un coût entre 80 et 100 euros, promet le SER.

Mais la filière attend un cap clair. « On ne connaît pas la stratégie de l’État. Il veut, par exemple, que de grandes entreprises développent les hydroliennes alors que les PME sont en pointe sur ce marché », regrette ainsi Grégory Pinon, directeur du groupe de recherche sur les énergies marines au CNRS. Il y a plus d’un demi-siècle, déjà, l’État avait investi dans une technologie d’avant-garde sans stratégie de long terme. C’était à la Rance, en 1966.