Guerre commerciale : pourquoi le bluff trumpien ne fonctionne pas avec la Chine
Economie. Le président américain a lancé la bataille la plus importante de son mandat sans avoir préparé quoi que ce soit.
Anne Cagan

Le 12 mai, l’administration de Donald Trump a mis fin à son bras de fer avec la Chine.
Il est rare de voir deux superpuissances engager un bras de fer avec deux stratégies si diamétralement opposées. A l’issue des négociations entre l’administration Trump et celle de Xi Jinping à Genève, on distingue clairement laquelle fonctionne et laquelle a échoué. Certes, les droits de douane ciblant les produits chinois (ramenés de 145 % à 30 %) restent plus élevés que ceux visant les produits américains (réduits de 125 à 10 %). Washington n’a cependant obtenu aucune réelle concession de Pékin, que ce soit sur l’ouverture du marché chinois aux entreprises étrangères ou la baisse des subventions qui stimulent ses champions locaux.
La raison pour laquelle Donald Trump essuie un tel fiasco est qu’il a lancé la bataille la plus importante de son mandat sans avoir préparé quoi que ce soit. Avant de faire le moindre pas, les Etats-Unis auraient, par exemple, dû reconstituer leur stock de terres rares. A certaines périodes de la guerre froide, leur réserve abritait pour 42 milliards de dollars de ressources, rappelle Heidi Crebo-Rediker, chercheuse au Centre d’études géoéconomiques Greenberg dans les colonnes de Foreign Affairs. Début 2023, ces provisions avaient fondu et valaient moins d’un milliard.
C’est pourtant le talon d’Achille des Etats-Unis face à la Chine. Car les terres rares sont le carburant qui alimente des secteurs stratégiques, du monde de la défense à l’industrie numérique, en passant par l’énergie. Le dysprosium se retrouve par exemple aussi bien dans les avions de chasse que les robots, les turbines, les batteries de voitures ou encore les IRM. Or la Chine possède un quasi-monopole sur les terres rares avec 70 % de la production mondiale et plus de 90 % du raffinage.
La Chine imperméable au bluff trumpien
Pour avoir une chance de faire plier Pékin, Donald Trump aurait également dû coordonner son offensive avec d’autres pays, notamment ses alliés historiques. Seule la perspective de voir ses ventes baisser simultanément dans plusieurs marchés, notamment le vaste parc européen, aurait pu faire hésiter la Chine. Le bluff trumpien ne peut fonctionner avec une administration chinoise qui connaît parfaitement ses atouts, ses points faibles, mais aussi ceux son adversaire. Car cela fait des années que Xi Jinping prépare patiemment son pays au risque de guerre commerciale.
La Chine a considérablement augmenté son degré d’autonomie. Il suffit de regarder ce qu’elle a accompli dans les les puces pour s’en convaincre. Depuis 2014, les fonds d’investissement public ont consacré 40 milliards de dollars à la production de « legacy chip », ces modèles basiques mais utilisés dans de nombreux produits grand public. Avec des résultats bluffants : la Chine, qui occupe dès à présent 28 % du marché mondial, devrait en détenir 39 % en 2027.
L’empire du Milieu fait aussi des vagues dans les modèles de dernière génération. Huawei, Cambricon, Hygon… Tous les acteurs locaux travaillent d’arrache-pied à créer des alternatives aux célèbres puces IA de Nvidia. Ils n’y sont pas encore, mais ils réduisent vite l’écart. Et dans l’intervalle, ils recourent à des architectures ingénieuses permettant d’approcher les performances américaines en faisant fonctionner davantage de puces ensemble. « Nous ne voulons pas opérer un grand découplage vis-à-vis de la Chine », a déclaré le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, ce lundi 12 mai sur CNBC. A l’évidence, l’un y a plus à perdre que l’autre dans l’immédiat.